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Chapuis / Le chamane dans les populations amérindiennes
LE
CHAMANE DANS LES POPULATIONS AMERINDIENNES DU SUD DE LAMERIQUE
UN ETRE AMBIVALENT, UNE POSITION INTERMEDIAIRE
Introduction :
Mon
propos sera de me pencher sur le chamanisme, et plus particulièrement
sur la personne et le statut du chamane amérindien dans les populations
du sud de lAmérique, à partir de diverses lectures
sur le sujet qui mont permit de définir une problématique
globale exposée dans une modeste synthèse que je vais
présenter ici.
Mon
plan sera le suivant : il sagira dans un premier temps de
mettre en avant la personnalité du chamane à partir de
remarques concernant son statut si particulier, que je qualifierai dambivalent.
En effet, je tenterai dexposer ma collecte dinformations
empiriques concernant le fait que le / la chamane est à la fois
en marge du groupe (lors de la révélation magique qui
fait office de rite initiatique par exemple) mais quil / elle
en fait néanmoins partie intégrante, de par ses fonctions,
essentielles. Ensuite, je me pencherai sur la confusion des genres chez
les Araucan, afin de souligner lambiguïté sexuelle
de la personne du chamane. Enfin, dans cette première partie,
jaborderai la raison essentielle de lambivalence du chamane :
allié du contre-monde, il est à la fois celui qui soigne
et celui qui tue, cest pour cette raison que cette sous-partie
est intitulée « le chamane : un être fondamentalement
ambivalent ».
Dans
ma seconde partie, je mintéresserai cette fois aux fonctions
du chamane, il sera question de sa position intermédiaire. Je
tâcherai de soutenir mon propos en exposant de quelle manière
le chamane fait office de médiateur entre sa communauté
et les pouvoirs politiques, ou encore entre les savoirs de différents
horizons culturels quil intègre à sa médecine.
Puis, à partir des relations quentretient le chamane avec
la (sur)nature, je tenterai de mettre en avant sa fonction démetteur
/ récepteur : il occupe ici une place centrale puisquil
met en relation les hommes et les objets (linanimé :
les objets pathogènes), les animaux, les plantes, mais également
le cosmos.
Je
conclurai ensuite, en faisant un bilan des idées que jaurai
plus largement développées précédemment,
avant de me permettre une succincte réflexion à propos
de Carlos Castaneda.
1.
Un être ambivalent (la personne du chamane)
A.
Marginalité sociale
Le
chamane dans les populations amérindiennes du sud du continent
américain est un être qui occupe une place ambiguë
au sein de sa communauté, en effet, si il est intégré
à celle-ci, de par le besoin quelle a de lui pour soigner
ses malades ou connaître lavenir et quil y occupe
une position centrale, la méfiance et la marginalité restent
néanmoins de rigueur.
Linitiation
chamanique : un rite de marge.
Devenir
chamane ne tient souvent que rarement à une transmission de pouvoirs
et de titre suivant la logique héréditaire. En Amérique
du sud, on devient généralement chamane à partir
du vécu intime de signes qui avertissent son élection
par les esprits au futur dépositaire de la fonction chamanique.
Différents facteurs viennent annoncer cela : ainsi, chez
les Guajiro de Colombie et du Venezuela, le chamane, qui est souvent
une femme souffre dune allergie alimentaire comme lévoque
Mariia, elle-même chamane : « Cétait
en moi quand jétais petite, et jai grandi avec. Enfant,
jétais malade. Je souffrais sans cesse de maladies wanülüü.
Cest pour cela que je suis devenue chamane et je suis bien ainsi »
[1]. Mariia se trouvait donc isolée,
sa maladie-éléction la marquait du sceau de lappartenance
au « contre-monde » pour reprendre le terme employé
par Michel de Certeau. Par ailleurs, linitiation passe nécessairement
par un éloignement du groupe : série dépreuves
ponctuées par des états de transe vécus comme autant
de voyages dans le monde des esprits, restrictions sexuelles ou isolement
prolongé sont autant dévènements qui amorcent
une rupture avec les autres pour celui qui se lance dans une quête
volontaire dun monde accessible aux seuls initiés ou élus
en Amazonie.
Un
contrôle social étroit :
Le
chamane, comme nous allons le constater fait lobjet de suspicions
de la part des membres de sa communauté : indispensable
de par sa qualification thérapeutique et ses talents de devin,
il est néanmoins craint, observé et parfois, mis à
mort par ceux qui composent son entourage. Par exemple, chez les Ticuna
dAmazonie (répartis entre le Brésil, le Pérou
et la Colombie), un sentiment dambivalence prévaut à
légard du chamane : nécessaire de par sa capacité
à contenir les maux qui pourraient affliger le groupe, sa communauté
préfère cependant lisoler. Il est donc exclu de
nombreuses activités quotidiennes -cest son statut qui
le lui interdit- et son foyer est éloigné de celui des
autres [2]. Par ailleurs, le chamane
est soumis à des impératifs car lexécution
des rites magiques nest pas comparable à un jeu ou à
une performance théâtrale, en effet, une transe non contrôlée
serait un indice de folie car la conduite du chamane met en uvre
un rôle prescrit pour une fonction. Enfin, retenons que les activités
chamaniques se développent en période de crise (maladies,
catastrophes naturelles, tension sociale
), le fait dêtre
chamane comporte donc des risques, car si la population constate une
succession déchecs ou une suite dévènements
inexplicables non maîtrisés, elle accuserait le chamane
dincapacité ou de sorcellerie, au point quil pourrait
être mis à mort, jugé nuisible à la communauté :
en Amazonie, sous le coup de linquiétude collective quinspire
le chamane achuar, « celui-ci périt plus souvent sous
les coups de ses voisins que sous les flèches décochées
par les ennemis » [3].
Médisance
et rumeurs entourent donc le chamane, même si il est intégré
à la communauté et quil fait lobjet dégards
en cas de succès comme des avantages matériels, un prestige
social et parfois même un véritable culte comme cest
le cas chez les Guarani qui conservent les os des chamanes défunts
dans des huttes quils viennent consulter en leur apportant des
offrandes. Mais il nen demeure pas moins que le chamane suscite
linquiétude de par son étrangeté, inquiétude
qui se manifeste comme nous lavons vu par un isolement forcé
et un contrôle social strict et sévère. Il est considéré
comme étrange et étranger, le public doute de sa normalité
comme cest le cas chez les Gajiro qui développent une hostilité
à son égard car ils attribuent au chamane une sexualité
déviante.
B.
Ambiguïté sexuelle
Le
cas des Araucan (Indiens Mapuche du Chili et de lArgentine) :
Je
vais ici me pencher sur un aspect particulier de la personne du chamane
araucan qui fut largement développé par Alfred Métraux
dans louvrage Religions et magies indiennes dAmérique
du Sud (1967).
Au
XVIIe siècle, un voyageur tint les propos suivants sur les chamanes
araucan : « Ils ne shabillaient pas en homme,
mais portaient un vêtement très semblable à celui
des femmes (
). Ils sornaient de colliers, de bagues et dautres
bijoux féminins. Ils étaient très estimés
et respectés par les hommes et les femmes ; avec celles-ci
ils se comportaient en homme et, avec ceux-là, en femme »,
il voyait dans ces comportements une forme dhomosexualité
passive. Dans les années 1940, Alfred Métraux enquête
également sur les Araucan et constate que les femmes chamanes,
elles aussi adoptent des attitudes contraires à celles dévolues
à leur sexe : elles shabillent comme des hommes et
parlent dune manière plutôt masculine, la plus célèbre
des machis serait dailleurs selon lui « dun
sexe douteux ». Lauteur en conclut donc que les Araucan
sont « aujourdhui comme autrefois des homosexuels ».
Plus récemment, Ana Mariella Bacigalupo, ethnologue, constate
que les hommes machis sassimilent aux femmes par le travestissement
et une éventuelle homosexualité, alors que les femmes
garderaient les habits qui expriment leur genre, et, de fait, conserveraient
leur rôle social. Nous sommes ici face à trois observations
qui ne relatent pas les mêmes faits, il semble donc éminemment
difficile de déterminer chez les chamanes Araucan « qui
est qui », ce qui, à mon avis, expose essentiellement
plus quelle nexplique la complexité de lambiguïté
sexuelle des machis pour la néophyte lectrice en la matière
que je suis.
Les
machis sont les chamanes Araucan, le plus souvent, ce sont des
femmes qui tiennent ce rôle, elles officient lors de cérémonies
rituelles qualifiées de « cures chamaniques » :
la machi sadresse aux âmes des machis mortes et à
Anchimalen, la femme (ou amie) du Soleil afin que toutes interviennent
auprès de Dieu. Au préalable, notons que la cérémonie
souvre par cette phrase édifiante qui semble évoquer
fondamentalement landrogynie des alliés du chamane :
« Père-Dieu, vieille qui est au ciel
».
Pour les Araucan, les genres sentremêlent dans le monde
des esprits, et le chamane se fait alors réceptacle de ces influences,
tout autant quil les porte en sa personne. La déviance
sexuelle des machis, leur nature transgressive en fait donc les
médiateurs / médiatrices par excellence, aptes à
transcender les catégories ordinaires imposées par la
construction sociale binaire et antagoniste que constitue lélaboration
culturelle du genre.
Dans
le domaine des rôles sociaux et de lidentité sexuelle,
notons que chez les Araucan, la majeure partie des chamanes sont des
femmes, et que cest laspect féminin des machis
qui prend le plus dimportance. Or, soulignons que les Araucan
sont un peuple fonctionnant selon des lignages patrilinéaires
et que la résidence est généralement patrilocale.
Une réflexion de Bertrand Hell me semble alors tout à
fait appropriée pour tenter daborder le cas des chamanes
Araucan sous un angle analytique pertinent : lauteur avance
que « La recomposition de lidentité sexuelle
ouvre aux adeptes femmes deux possibilités dans une société
phallocentrique : celle dacquérir un statut masculin,
et celle de saffranchir de lautorité masculine dans
le cadre parental ou marital » [4].
Enfin,
ajoutons quAlfred Métraux montra que chez les Araucan du
Chili, les femmes chamanes avaient prééminence sur les
hommes, et quelles semparaient même parfois des âmes
des machis hommes.
Cette
approche sociologique nous permet donc de constater que si la déviance
en matière dappartenance sexuelle marginalise les machis,
elle leur permet par ailleurs de sintégrer à la
communauté Araucan. Les femmes machis trouvent dans la
pratique chamanique une manière de sémanciper du
contrôle patriarcal et de la domination masculine, y comprit dans
le contre-monde lui-même peuplé dentités dont
le sexe est incertain puisque « Dieu », figure
chrétienne éminemment et totalement masculine intégrée
aux cultes amérindiens, devient ici « une vieille ».
Les esprits sont donc ambigus tous comme ceux qui les côtoient
(ou est-ce le contraire ?), ambivalence fondamentale donc de ceux
qui peuplent le contre-monde et des chamanes, à la fois hommes
et femmes tout autant que dangereux et / ou bienveillants.
C.
Une ambivalence fondamentale
Le
chamane est donc marginalisé socialement, et son sexe apparaît
comme incertain, donc, inquiétant. Après avoir présenté
ces deux observations à partir dexemples concrets, je vais
maintenant, en guise de synthèse, mattacher à explorer
pourquoi le chamane est un être fondamentalement ambivalent, en
mettant en avant deux fonctions et deux aspects de sa personne qui semblent
à priori contradictoires : celle de sorcier (« figure
malveillante »), et celle de thérapeute (« figure
bienveillante »).
Je
tiens dabord à souligner le fait que le terme de sorcier
nest pas fondamentalement approprié pour sattarder
sur les dangers que représente le chamane pour sa société
puisque ce terme nest pas nécessairement chargé
de connotations négatives. En effet, le texte de Pablo Isla Villar
[5] nous informe que le terme de brujo, c'est-à-dire
de sorcier, désigne autant le responsable du malheur des victimes
(brujo malero ou brujo compactado) que le guérisseur
(brujo curandero). Cependant, pour des raisons de découpage,
je retiendrai ce terme dans sa définition anthropologique, à
savoir celle qui veut que la sorcellerie désigne « les
effets néfastes dune qualité inhérente au
sorcier », il serait « un être humain en
apparence semblable aux autres » qui serait « responsable
des malheurs qui frappent ceux qui lui sont proches ».
Dans
ce même texte de Pablo Isla Villar, nous apprenons que les chamanes
de Salas au Pérou sont communément appelés brujos,
cependant, comme nous lavons vu précédemment, si
ceux qui intéressent lauteur sont les brujos curanderos,
il convient ici de se pencher sur le cas des brujos maleros. Ces derniers
exercent leur influence maléfique sur des victimes quils
affligent de malheurs par le biais de sorts pathogènes que devront
combattre les chamanes thérapeutes lors de rituels pendant lesquels
ils rentreront en contact mentalement avec les brujos maleros
puisque ceux-ci sont renvoyés à une distance physique
ou symbolique. Nouvelle ambiguïté donc, puisque les brujos
curanderos que rencontre lauteur lui confient eux-mêmes
quils « assument lambivalence fondamentale des
esprits, qui, comme eux, seraient capables dagression ou
de bienveillance selon les moments ».
Un
autre exemple ma parait édifiant de la dangerosité du
chamane : prenons le cas dOrowam, chamane wari des
Basses Terres de lAmérique du Sud [6].
Celui-ci est un chamane-jaguar depuis sa maladie initiatique, résultat
de son élection : agressé par le jaguar qui a jeté
son dévolu sur lui, Orowam est devenu membre de lespèce
de lanimal. Il fut à partir de ce moment là doté
dune identité supplémentaire et double, tout autant
quambivalente, puisquil devint à la fois lhomme
qui soigne et membre de lespèce qui agresse. Dailleurs,
certains chamanes dautres sous-groupes wari viennent parfois
attaquer les membres des autres communautés : ils arrivent
sous leur forme animale et lancent des flèches. Le rôle
dun chamane comme Orowam est donc de les arrêter rapidement
en les raisonnant et en les priant dajuster leur vision et de
reconnaître les Wari présents comme des parents et
non comme des proies. Les chamanes waris sont donc potentiellement
dangereux pour leurs proches, (même si cest involontaire)
car ils peuvent se transformer de manière rapide en ennemis pour
la communauté et parfois causer la mort. Orowam lui-même
faillit agresser ses proches ainsi que lauteur du texte, quant
à ses voisins, ils seffrayent de ses rugissements poussés
pendant la nuit
Enfin,
le chamane amérindien plus généralement est redouté
car son alliance avec la surnature lui impose de développer lart
de la séduction, de la ruse et de la duplicité. Il doit
savoir manipuler et contraindre les esprits, ce qui implique deux paradoxes :
le premier, cest que si il est craint des humains à cause
de ces facultés, cela lui permet dans le même temps daccroître
son pouvoir auprès des esprits. Le second, est le suivant :
si il empêche le malheur de sabattre sur sa communauté
par des moyens douteux dun point de vue « moral »
(donc humain), il acquiert cependant par sa technique une renommée
sociale soutenue par ses victoires thérapeutiques.
Enfin,
pour en revenir à Mariia, la chamane Guajiro évoquée
au début de cette première partie de mon dossier et au
terme wanülüü, rappelons quil désigne
les maladies graves, mais également les esprits qui en sont responsables
tout autant que les esprits auxiliaires du chamane, c'est-à-dire
ceux qui laident à soigner les villageois et à protéger
la communauté : être malade, donner la maladie et
guérir renvoient donc aux mêmes forces invisibles. Personnalité
fondamentalement ambivalente du chamane donc, mais également
position intermédiaire de celui qui occupe une fonction sociale
centrale.
2.
Une position intermédiaire (fonctions sociales du chamane)
A.
Entre les hommes et la (sur)nature
Fondamentalement
ambivalent, le chamane dispose dune position intermédiaire,
il se fait donc médiateur entre les hommes et la nature, mais
également avec la surnature, qui comprend ici le monde des esprits
qui habitent la nature. Je reprendrai ici pour éclairer mon propos
la définition de Roberte Hamayon, selon laquelle « si
la surnature est la composante symbolique de la nature, elle ne sexprime
quà travers elle : autrement dit, tout être
surnaturel a une forme naturelle » [7].
Tous les éléments sont doublés dune âme,
ils sont habités de vie : de linanimé au cosmique,
la nature fait partie intégrante dun système cohérent
et aligné où tout vient sapposer sans jamais sopposer.
Cailloux
pathogènes, pierres de guérison et autres objets :
Lorsquun
patient malade vient consulter un chamane, ce dernier procède
généralement à un examen visant à déterminer
la cause du mal, et à le localiser. Il sagit parfois dune
substance étrangère introduite dans le corps du patient
par un « sorcier » ou des esprits, on parlera
ici dobjet pathogène que le chamane dans sa fonction thérapeutique
devra extraire à laide de ses esprits-alliés. Pour
ce faire, chez les Araucan ou chez les Indiens Yamana du Chili, on retrouve
une technique identique : ils utilisent la succion pour sortir
le mal qui apparaîtra symboliquement à lassistance
sous la forme dune plume, dun os ou dun caillou qui
figurent ici une manière imagée de traduire le mal. Notons
également lors des guérisons rituelles lutilisation
de pierres, de cristaux de roche, de fossiles ou encore de morceaux
de poteries précolombiennes qui sont autant dobjets, (contrairement
aux objets pathogènes) qui aideront à la guérison
tels des outils puissants, liés aux esprits-alliés qui
viendront ainsi au secours des hommes, via le chamane.
La
faune et la flore:
Ici,
il sera encore question essentiellement de la fonction thérapeutique
du chamane soutenue par lutilisation des plantes, dans un premier
temps dont lusage nest pas toujours qualifiable de magique.
En effet, celles-ci peuvent être utilisées hors du contexte
rituel car le chamane possède une connaissance des vertus médicinales
des plantes, en dehors de leur usage surnaturel. Jaborderai
également le règne animal, à travers lévocation
chamanique des esprits tutélaires qui permet une gestion humaine
(et, de fait, symbolique) de « lespace naturel ».
Les
plantes auxquelles je vais mintéresser ici sont parfois
qualifiées dhallucinogènes : elles permettent
au chamane lors de transes, de voyages et de rêves dentreprendre
des déplacements dans le monde des esprits. Il y a essentiellement
le tabac dont laire de distribution est pan-amazonienne, il est
prisé, bu ou fumé et peut lui aussi jouer le rôle
dhallucinogène sil est consommé à haute
dose. Prenons lexemple de larticle de Carlos Fausto
[8] : on y apprend que, la Nicotiana rustica
(le tabac) « is the hallmark of shamanic activity ».
Grâce à celui-ci, fumé sous forme de cigare et à
sa combinaison avec le sang lors dopetymo, (« the
tobacco festival ») le chamane parakana initiera ses novices
à la science des rêves : « tobacco
makes one light and amplifies ones capacities to see and dream ».
Le but dopetymo sera alors pour le chamane dinitier
les novices en leur transmettant son savoir en matière de guérison
grâce au pouvoir onirique de lusage magique du tabac. Par
ailleurs, chez les Guajiro, lors de la cure chamanique le tabac est
cette fois absorbé sous la forme dun jus : lingestion
permet au chamane de communiquer avec les esprits à travers le
« courant dodeur » que dégage la
boisson. Chez les Guajiro ou les Parakana, on peut donc mettre en avant
la fonction médiatrice du tabac qui permet au corps de
souvrir et aux sens de percer linvisible.
Une
autre plante est également utilisée par les chamanes amérindiens,
il sagit de layahuasca, un hallucinogène puissant
absorbé généralement sous la forme dun breuvage.
Il sagit en fait dun mélange dune liane (Banisteriopsis
caapi) avec des feuilles dautres plantes (Psychotria sp.
ou Diplopterys cabrerana) pour donner layahuasca, mot
quechua signifiant « liane amère ». Notons
cependant avant daller plus loin que layahuasca nest
une boisson hallucinogène seulement si lon se tient à
une approche occidentale des effets quelle provoque, car pour
les chamanes, elle « est (selon eux), elle-même un
être qui les met en relation avec dautres êtres, maîtres
des animaux et des maladies ». Lesprit de la liane
amère fait donc ici, au même titre que le tabac, figure
dintermédiaire entre les chamanes et le monde des
esprits, alors que ces derniers occupent une position semblable entre
le monde des hommes et celui de la (sur)nature ! Mais revenons
à layahuasca et attardons-nous sur linitiation
dun chamane Yagua racontée par lintéressé
à Jean-Pierre Chaumeil [9] :
la boisson est utilisée essentiellement pour « voir »,
la dimension visuelle est ici très importante et dune grande
richesse, elle permet au chamane, messager de linvisible de communiquer
avec les esprits des végétaux et des animaux qui contrôlent
le savoir du monde. Mais dans de nombreux cas, la communication avec
ces entités spirituelles nest possible que lorsquelles
apparaissent dans les visions sous un aspect anthropomorphe comme cest
le cas de « lesprit de la liane » qui est
ici décrit comme un « homme » qui est aux
côtés du chamane : « ceux qui ne savent
pas pensent que tu soignes seul. Or, il nen est rien, lesprit
de la liane est là
». Tour à tour allié
et maître, « enfant » et double terrorisant
(Patrick Deshayes nous explique que layahuasca provoque des « frayeurs
qui sont tout à fait recherchées par les Indiens lors
de leurs rituels ».), la liane amère et lesprit
qui lhabitent sont indissociables lun de lautre, tout
comme linitiation douloureuse lest aux secrets de la thérapeutique
quelle enseigne : position intermédiaire donc de celle
que lon appelle parfois « liane des morts »
qui aide pourtant à la guérison des êtres humains,
et nouvelle ambivalence qui nest pas sans nous rappeler celle
de celui qui lapporte à sa société et la
porte en sa personne.
Quant
aux animaux considérés comme des esprits-alliés
pour les amérindiens du sud de lAmérique, on retrouve
lanaconda, le pécari, le corbeau, le tapir ou encore laigrette,
mais je mattarderai ici seulement sur le cas du jaguar en Amazonie.
Prenons tout dabord en considération le cas des Parakana
étudiés par Carlos Fausto : la cérémonie
initiatique qui mène à la fonction chamanique se clôt
forcément par labsorption dune chair sanglante et
dun rêve durant lequel le novice devra suivre la route du
jaguar et le retrouver afin de devenir à son tour un prédateur.
Il devra « attraper » le jaguar et entrer en lui,
ceci fait, il possèdera toutes les capacités de lanimal
et ira à son tour dans la forêt pour chasser et manger,
cest pour cette raison que les femmes réglées sont
exclues du rituel : le rêveur devenu animal pourrait se jeter
sur elles, attiré par lodeur du sang. Le lien entre chamanisme
et prédation est ici évident, en ce que le chamane doit
suivre la route du jaguar pour devenir lui-même un prédateur.
Chez les Indiens Wari, le cas dOrowam est également
édifiant, frappé par la violence élective du jaguar,
il sest rendu en rêve dans la maison des jaguars, étant
devenu animal, il vit les animaux sous leur forme humaine. Affublé
dune personnalité « jaguar » depuis
sa maladie initiatique, Orowam est désormais un homme/animal,
ses teintures corporelles en attestent et lui-même dit :
« mon vrai corps est jaguar. Il y a des poils sur mon vrai
corps ». Chez les Wari et chez les Parakana, ces transmutations
chamaniques assurent la connexion entre la communauté et les
animaux car les chamanes, en même temps quils deviennent
prédateurs et potentiellement dangereux sont dotés dans
le même temps dun savoir thérapeutique. Pour les
Parakana, la rencontre initiatique avec le jaguar leur permettra dextraire
lagent pathogène (karowara) du corps du jaguar,
puis, à partir de cette expérience, du corps de ses futurs
patients. Pour les Wari, la rencontre dOrowam avec le jaguar
permettra par la suite de soigner la communauté, mais également
de la protéger lorsque dautres chamanes sous forme animale,
viendront attaquer les Wari sans les reconnaître visuellement
en tant que parents, aveuglés par leur instinct prédateur.
Eléments
climatiques et cosmiques :
Le
chamane est également en relation avec le monde céleste :
chez les Araucan, les esprits dangereux sont considérés
comme des tourbillons venus du Nord qui est une région funeste
pour les habitants de la cordillère des Andes chiliennes. Leur
arrivée nécessite alors que le chamane intervienne et
utilise toute sa puissance car il devra mobiliser douze remèdes.
Le rôle du chamane est donc dintervenir au-delà des
problèmes de sa communauté et de la nature environnante :
il doit parfois commander aux phénomènes atmosphériques comme
cest le cas du chamane Ipurina qui envoie son double au ciel pour
éteindre les météores qui menacent de brûler
lunivers, ou encore arrête les pluies torrentielles. Mais
le cas le plus frappant est celui des Yanomami et de la menace apocalyptique
qui pèse sur le monde : il est dit que lorsque la forêt
sera détruite et que tous les chamanes seront morts, ils ne pourront
plus retenir le ciel et quil tombera, tuant ainsi tous les êtres
vivants sur la terre. La fonction des chamanes est donc ici centrale
en ce quelle détermine totalement lavenir de lHumanité.
Le
chamane assure donc une fonction médiatrice : celle de relier
lensemble des êtres et des choses. Il est familier du monde
des esprits qui laccompagnent et à qui il communique les
messages des hommes tout autant quil transmet à ces derniers
les volontés et les réponses des premiers. Le chamane
agit donc en connaisseur du contexte des tensions interpersonnelles
et interfamiliales de sa communauté, mais sil travaille
généralement pour résoudre des crises grâce
à sa collaboration active avec les esprits, il sait aussi sadapter
aux changements culturels, et innover dans de nouvelles conditions sociales
et politiques.
B.
Entre les hommes et
les hommes
Nous
avons donc pu constater que le chamane occupait une place centrale,
entre sa communauté et le monde des esprits. Il est celui qui
permet de rendre les évènements lisibles pour ceux qui
lentourent à travers une approche mythique et magique.
Mais nous verrons ici que rien nest figé et que les chamanes
font souvent preuve dune qualité qui, justement, est inhérente
à leur fonction, à savoir une extraordinaire capacité
à bricoler les techniques et les cosmologies, comme cest
le cas des Indiens de Salas ou des tsachila dEquateur dans leur
approche thérapeutique qui touche des milieux multiculturels
ou encore de Davi Kopenawa, jeune chamane de lEtat du Roraima
au Brésil qui uvre en faveur dune communicabilité
interethnique.
Un
chamanisme « multiculturel » :
En
Equateur comme au Pérou, les rituels thérapeutiques renvoient
à une vision du monde très souple qui laisse place à
lintégration continuelle de nouveaux éléments
et de symboles reconstruits. Ainsi, les chamanes tsachila intègrent
des éléments dorigine occidentale dans leur système
mythologique, ce qui ne marque pas une volonté de leur part de
résister à une acculturation envahissante mais profitable
seulement en partie ; il sagit plutôt dune tradition
douverture de ces chamanes qui depuis toujours circulent au loin,
et dont une partie de linitiation repose sur un séjour
dapprentissage en dehors de leur communauté. Ils sont connus
dans lensemble de leur pays et parfois même au-delà
grâce à leur grande efficacité thérapeutique.
Ils obtiennent une réputation toujours grandissante qui leur
amène des patients venus dhorizons culturels et géographiques
variés : Noirs de la côte Pacifique, Indiens dethnies
différentes, Métis venus des villes.
Pablo
Isla Villar [10] quant à
lui nous renseigne sur la manière dont les brujos curanderos
diversifient leur approche de la cure en intégrant à leurs
cérémonies rituelles des éléments venus
dhorizons culturels différents. Ils font par exemple des
références au catholicisme : ils disent travailler
avec laide de Dieu et leur autel (la mesa) concentre des
objets comme une image de la Vierge ou encore une croix, et font appel
à « Dieu tout puissant » ou à « Saint
Cyprien », saint patron des sorciers lors des incantations
marquant le début du rituel. Notons également la présence
de fossiles, de poignards ou encore de morceaux du fameux cactus de
San Pedro qui côtoient sur la mesa les objets de tendance
catholique. On soulignera également ici lhétérogénéité
culturelle des patients reçus par le chamane et donc, labsence
dune croyance collective qui pourrait légitimer le pouvoir
de persuasion du chamane comme tend à le croire Claude Lévi-Strauss quand
il écrit : « que la mythologie du chamane ne
corresponde pas à une réalité objective na
pas dimportance : la malade y croit, et elle fait partie
dune société qui y croit ». Pablo Isla
Villar quant à lui dissèque le rite de guérison
chamanique et, à partir du concept dinquiétante
étrangeté de Freud, avance lidée que
la confusion induite dans lesprit du patient par le chamane amène
le premier à croire au pouvoir du second, ce qui nous ramènerait,
finalement, au concept defficacité symbolique de
Claude Lévi-Strauss, possible en ce cas dans un contexte multiculturel.
En
Equateur comme au Pérou, les rituels thérapeutiques menés
par les chamanes tsachila ou ceux de Salas nous renvoient à lidée
dune vision du monde très souple qui laisse place à
lintégration continuelle de nouveaux éléments,
de symboles reconstruits que lon peut observer autant sur les
autels de ces chamanes quà travers le combat mené
par Davi Kopenawa pour préserver la terra indigena.
Davi
et la communicabilité interethnique :
Davi
Kopenawa est un jeune chamane brésilien rencontré par
Bruce Albert, anthropologue, dans lEtat du Roraima. Larticle
LOr cannibale et la chute du ciel (LHomme 126-128,
avr-déc. 1993) évoque le cas de Davi qui mène dans
cette région une lutte écologique pour sauver la forêt
envahie et détruite par les orpailleurs. Pour ce faire, fort
du lien qui lunit à son beau-père Lourival (qui
est ce que les Yanomami appellent un bata thë : « lancien »,
« le grand homme ») qui la initié
au chamanisme, Davi, interprète de la FUNAI, a réussi
« a ouvrir un espace commun dinterprétation
des réalités du contact et délaboration dun
discours de défense des intérêts yanomami communicables
à lextérieur du groupe ». On parlera
ici de resistant adaptation, ce qui signifie que le discours
indigène effectua un passage dun discours sur lautre
pour soi (il sagit ici de ce que lon peut qualifier de résistance
spéculative) à un discours sur soi pour lautre.
Un exemple édifiant de la fonction chamanique de Davi se situe
dans la manière quil a dadapter et dinterpréter
la cosmogonie de son peuple face aux évènements qui viennent
pourtant la bouleverser. Ainsi, le mythe fondateur des Yanomami est
mis à mal par lextraction, et plus encore, le brûlage
de lor, substance souterraine et mortifère quOmamë,
le père des Yanomami/dieu fondateur de ce peuple cacha afin de
protéger les êtres humains, ne laissant sur la terre que
ce qui se mange.
Ce
qui est caractéristique selon moi de la fonction chamanique de
Davi, cest dactualiser la mythologie de son groupe à
partir du récit des origines de lHumanité selon
son peuple, qui rejoint, à travers une évocation quasi-poétique
des drames de la destruction des forêts, une sorte de conte apocalyptique
tristement réaliste. En effet, penchons nous sur les paroles
de Davi : il parle « dune épidémie-fumée »
qui monte vers le ciel et dit que « sa chaleur le brûle
peu à peu et il se perce », il ajoute plus loin que
cest « un esprit maléfique (
) qui tue
les gens » avant dajouter que « le ciel
tombera (
) la forêt sera détruite et le temps sobscurcira
(
) personne néchappera à la chute du ciel »,
prophétie apocalyptique relayée par la cosmogonie Yanomami
, qui amène à un raisonnement tautologique terrifiant :
« cest déjà arrivé, le ciel est tombé
aux premiers temps ». Ces phrases évoquent réellement,
à travers une approche chamanique des nouveautés de lhistoire
immédiate, le drame de la couche dozone qui se perce, des
populations indigènes malades, et dune éventuelle
apocalypse écologique, si, « les blancs »
ne sinspirent pas rapidement des Yanomami « amis de
la forêt ».
Conclusion :
Nous
avons donc mis en avant dans ce dossier la situation complexe du chamane
au sein de sa société, mais également ses compétences,
qui font de lui un être intermédiaire et central au sein
de sa communauté.
Sorcier
redoutable, guérisseur puissant, le chamane et ses alliés
contiennent les désordres autant quils les provoquent,
et, dans une perspective contemporaine, nous avons pu constater quils
mettaient en relation les hommes entre eux, grâce à un
chamanisme multiculturel et à la communicabilité interethnique.
Enfin,
retenons ce qui me semble être le plus important pour aborder
la pensée chamanique, et qui va quelque part à lencontre
du contenu de mon dossier et du découpage analytique nécessairement
occidentalisé que jai proposé : la pensée
chamanique amérindienne naborde pas les rapports entre
nature et culture en termes de rupture mais de continuité, où
la séparation entre les êtres et les choses du monde est
floue, voire ignorée.
Réflexion :
Je
vais ici, par volonté personnelle mattarder sur le néochamanisme,
suite à quelques lectures. Je voudrais en fait aborder le cas
« brûlant » de Carlos Castaneda : lauteur
fut glorifié par toute une génération en quête
dune réalité alternative à ce que la société
occidentale scientiste et matérialiste leur proposait. Mon propos
ne sera pas ici de défendre lhomme dont je sais peu de
choses (si ce nest les inquiétantes révélations
sur la fin de sa vie et la succession de ses mensonges), par contre,
ma lecture de la trilogie qui comprend « Lherbe du
Diable », « Voir » et « Le
voyage à Ixtlan » ne mamène pas aux mêmes
conclusions sur luvre de Castaneda que la majeure partie
des anthropologues. En effet, si lon peut mettre en doute les
sources de lauteur, et même lexistence de Don Juan,
il nen demeure pas moins que le récit nest pas selon
moi une invitation à lutilisation du peyotl. Castaneda
fait le récit dune initiation douloureuse et terrifiante
(au point quil la abandonnée : le 2 avril 1968,
date à laquelle Castaneda retourne voir Don Juan, il ne la
pas vu depuis presque trois ans), motivée par le fait quil
ait été choisi par Mescalito, et par son envie de comprendre
et de connaître : il ne sengage pas dans une quête
volontaire afin de devenir chamane ni dans une expérimentation
« hippie ». Malgré les explications de
Juan Matus, lauteur ne comprend dailleurs pas ce que signifie
« voir », il lui faut plusieurs années
pour dépasser ses frayeurs dues à labsorption dhallucinogènes
(frayeurs qui sétendent au-delà des quelques heures
suivant la prise : Castaneda avoue presque systématiquement
faire des cauchemars, avoir des nausées et des crises dangoisse
pendant plusieurs semaines) et à la rencontre avec la sorcière.
Selon moi, les « romans » de Carlos Castaneda,
si ils ne sont que cela -et pas le compte rendu de son journal de terrain-
ninvitent pas à une utilisation ludique des drogues naturelles
du Mexique ni à une approche douce et romantique du chamanisme
amérindien qui ferait office dun « gai savoir ».
Je rejoins ici des auteurs comme Pablo Isla Villar et Carlos Fausto :
pour un occidental non préparé culturellement à
lusage rituel du peyotl ou à la dimension guerrière
et sanguinaire du chamanisme, lignorance constituerait un réel
danger. Don Juan lui-même nutilise presque plus la petite
fumée comme une grande partie des chamanes qui nont
plus besoin des psychotropes pour « voir »- et
il parle de ceux qui viendraient au Mexique pour être initiés
comme de « fêlés », en ajoutant que
« seul un toqué entreprendrait volontairement la tâche
de devenir homme de connaissance ». Je suis donc fort surprise
quand je lis que Claude Rivière écrit dans sa Socio-anthropologie
des religions que Carlos Castaneda « a poussé Américains
et Européens à goûter les effets du peyotl mexicain » !
Notes
:
[1]
Perrin, M., Les Praticiens du rêve. Un exemple de chamanisme,
Paris, PUF, 1992, p. 108.
[2]
Goulard, J.-P., « La parole et lécriture. Chamanisme
et évangélisme chez les Ticuna dAmazonie »,
in Aigle, D. et alii, Chamanismes aux marges des religions
universalistes, Nanterre, Société dethnologie,
1999. (!) -cité par Hell, B. in Possession et chamanisme, les
Maîtres du désordre, Paris, Flammarion, 1999-.
[3]
Hell, B. in Possession et chamanisme, les Maîtres du désordre,
Paris, Flammarion, 1999 p 241.
[4]
Hell, B., Possession et chamanisme
op. cit.
[5]
Pablo Isla Villar, La ritualisation de « linquiétante
étrangeté » dans le chamanisme multiculturel
de Salas (Pérou), Nanterre, Société dethnologie,
2000.
[6]
Aparecida Vilaça, "Devenir autre : chamanisme et contact
interethnique en Amazonie brésilienne", Journal de la
Société des Américanistes, 1999, p 239 à
260.
[7]
Hamayon, R., La Chasse à lâme. Esquisse dune
théorie du chamanisme sibérien, Nanterre, Société
dethnologie, 1990 p 332.
[8]
Fausto, C., In Darkness and secrecy, Duke University Press, Duham
and London, 2004.
[9]
Chaumeil, J-P., Voir, savoir, pouvoir, éd. de lEHESS,
1983.
[10]
Pablo Isla Villar, La ritualisation de
, op. cit.
Eléonore
Chapuis