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Ressources / Thomas
Pierre / F. Chateauraynaud, D. Torny - Les sombres précurseurs
F.Chateauraynaud,
D.Torny, Les sombres précurseurs : une sociologie pragmatique
de lalerte et du risque, éd. EHESS, Paris, 1999
Il
me semble que lon peut lire une recherche de plusieurs manières.
Ces lectures peuvent être entendu comme le fruit dopération
de rapprochement du lecteur (notamment celui qui cherche à utiliser
létude dans certains de ses aspects.). [1]
Parmi ces opérations, jen distingue deux. [2]
Les rapprochements entre les objets de recherche (le phénomène
à appréhender, qui je le rappelle est déjà
appréhendé sinon nous ne lappellerions pas) et/ou
les rapprochements des angles théoriques adoptés.
Il
faut noter que lon doit justifier ces choix de recherche que sont
les rapprochements. Une première fois au moment de les fonder.
Une seconde à la fin de la recherche (et parfois aussi à
un moment intermédiaire) où il sagit de savoir si
nous navons pas par trop induit les résultats et alors
on relativise les apports ; ou encore de voir si les résultats
ne font pas exploser le rapprochement, quil se trouve infondé
par la recherche même.
Dans le cadre institutionnel de luniversité, il semble
difficile de se passer de ces justifications. Mais, à la fin
de la recherche, il semble plus difficile encore dinfirmer nos
rapprochements et ainsi discréditer notre travail. Mais cest
à mon sens chose à faire et qui ne discrédite pas
tant quil honore une probité dans le travail et une humilité
face à lui même et notre commune condition.
En rapprochant sous certains rapports deux objets, on vise à
utiliser les apports dun regard sur lun deux et à
les prendre pour acquis sur lautre. Si les objets sont « même »,
les apports du regard seront « semblables ». Ainsi,
lors de mon mémoire de licence, je rapproche les clowns des comédiens.
Cela me permet de mapproprier une typologie de carrière.
Il est moins facile de sexpliquer sur lautre forme de rapprochement
car bien souvent, on confronte les apports de deux regards sur un même
objet plus quon ne les rapproche, on les oppose plus quon
les articule. Ce fait est peut être dû à lactivité
sociale que représente la recherche et dont le moteur semble
être la controverse (forme dialectique de vie institutionnelle),
moteur qui éloigne du but affiché (établir une
vérité/certitude ; but idéalisé, mensonge
de piété collective dont personne nest totalement
abusé) tant il en est la condition nécessaire (la certitude
passe par la controverse) en lhumaine condition. Il semble que
ces rapprochements doivent être étudié par lépistémologie.
[3]
Enfin,
et rapidement, ces rapprochements peuvent être de 2 types que
je distingue malgré que cette distinction ne soit pas remarquer
ni guère importante à signaler lors dune recherche.
La transposition ou translation est lopération réalisée
en licence, elle nest pas à confondre avec lanalogie.
La première engage trois termes, lautre quatre.
Ces
opérations se seront pas signalées lorsque je les exécuterai.
Les paragraphes précédents sont utiles à qui (ou
quand on) veut étudier lactivité de recherche.
Je résumerai brièvement louvrage, il faut mexcuser
les carences car ce nest pas lobjectif premier. Puis il
sagira de rapprocher des éléments de notre étude,
ceux que lon peut réutiliser ou adapter.
Louvrage
Cet
objectif est clairement exprimé à la page 13, il
sagit détudier
« les processus par lesquels des alertes se constituent,
à lintérieur ou à lextérieur
de réseaux institutionnels, et parviennent, ou non, à
provoquer des débats ou des polémiques, accélérer
des décisions ou des réformes, modifier des dispositifs. »
Lalerte
prend forme sur fond dexpérience commune, sur un sens commun
du danger. On alerte dun phénomène porteur de risque.
Par son cri, le lanceur dalerte manifeste son impuissance face
à ce risque, il ne peut y faire face. Il alerte un espace social
qui a cette puissance daction (ou quil suppose avoir) mais
qui nest plus en présence du phénomène comme
le lanceur mais à distance. Pour le lanceur, le but est de faire
sentir le danger en apportant des éléments capables de
produire cet effet sur les acteurs à distance et non plus en
présence (passage du local au global, de lexterne à
linterne).
La question est donc celle des contraintes pragmatiques du lancement
de lalerte. Quelles sont les contraintes dune prise de parole
publique pour les différents lanceur dalerte (en présence,
à distance, interne ou externe à la puissance daction) ?
Comment évalue ton un risque ? En quoi la manière
dobjectiver une potentialité dangereuse pèse sur
le traitement de lalerte ? En quoi la direction du cri (vers
quelle instance) impose des traitements différenciés ?
Bref quel est le trajet et les épreuves par lesquels passent
une alerte pour être traitée ?
Le
lanceur dalerte se fonde sur des précédents (catastrophiques
ou prophétiques) quil a tiré de leur solitude et
insignifiance en leur donnant une portée par leur mise en série.
Il agence précédents et autres éléments
capturés par différents moyens (perception, intuition,
dispositif métrologique
) pour faire émerger la présence
dune potentialité dangereuse dont il définit la
plus ou moins grande imminence.
Une alerte est évaluée, vérifiée par la
puissance daction engagée, centre de décision. La
décision (positive ou négative) prise pour traiter (ou
non) lalerte ou le risque est elle même évaluée
par les acteurs qui ont fait émerger le dossier ou qui le porte,
et tant dautres encore.
Avec
ces développements, on comprendra que les alertes ne prennent
(ou suivent ?) pas un chemin linéaire, ni un traitement
systématique et identique. Bien au contraire, elles parcourent
différentes configurations, engageant différents acteurs
et dont les enjeux, les objets sont différents. Les auteurs en
distinguent sept (cf. tab. P.74-75). Elles peuvent être entendu
comme des types dépreuves sur lesquels peut ouvrir un signal
dalerte. Ces configurations ne sont pas imperméables, lalerte
glisse dune configuration à lautre (de lalerte
à la controverse au procès, à la normalisation)
et peut être traiter simultanément selon plusieurs configurations.
Ces configurations ont été caractérisées
selon différents critères (stabilisés et non statiques)
comme la modalité temporelle, lactivité dominante,
le mode de la preuve, les instances régulatrice
Les auteurs étudies alors trois grands dossiers : lamiante,
le nucléaire, le prion qui sont tous (mis par les acteurs-)
en lien avec la santé publique.
Ce
que nous en retiendrons
Horizon
temporel
Dans
leur introduction, les auteurs rapprochent, en maintenant un écart,
lanceur
dalerte et dénonciateur. Lécart se déploie
à partir de lhorizon temporel de ces deux formules. Si
la dénonciation est tournée vers des actes passés,
le litige et le différend sur laction en cours, lalerte
est orientée vers lavenir : celle de limminence
dune potentialité dangereuse.
Ce qui nous amène à questionner un rapprochement possible
dont lenquête exploratoire déterminera la pertinence :
la dénonciation de harcèlement contient elle (si ce nest
toujours, tout du moins parfois ou dans certaine configuration de harcèlement)
un message dalerte ?
Il
conviendra alors de porter une attention soutenue (mais non particulière)
à lhorizon temporel dans lequel sengagent les acteurs
et de suivre les modifications de cet horizon à différents
moments du trajet [4], ou de laffaire.
Par ailleurs, il me faut signaler que les notions de répétitivité,
dinsistance sont présentes dans le terme et notamment dans
les définitions que lon trouve dans les dictionnaires.
Ce point sera aussi à observer, ces notions sont elles utilisées
par les acteurs ? Si oui, le modèle de la mise en série
déléments jusqualors hétérogènes
pour faire émerger cette répétitivité dinjustice,
lui donnant ainsi une consistance, une généralité,
pourrait savérer utile à notre objet.
Lidée de « sérialité »
est importante pour objectiver linsistance. Cest autre chose
que de relier des éléments hétérogènes
mais inscrit dans la même temporalité : la situation
en acte. Néanmoins, ces deux formes se retrouvent et sentremêlent
souvent, cest pour cela quil faut mieux sattacher
à dégager une temporalité alliant (et actualisant
dans la définissions de la situation) passé - présent
futur.
Configuration
Parmi
les configurations présentées dans louvrage, il
est possible de dire que nous
en rencontrerons dans notre étude, ou quil est probable
que nous puissions rapprocher certaines observations à ces configurations.
Celle du « procès » semble tomber sur le
coup de lévidence ; celle de lalerte pourrait
intervenir selon la réponse apportée par le rapprochement
harcèlement alerte, donc selon lhorizon temporel.
Mais cela ne doit pas porter à bannir et condamner les autres
configurations, il faudra plutôt être attentif aux configurations
que lon rencontrera. Il faut donc se dire quil sagit
là dune première grille danalyse pour notre
travail exploratoire, grille à laquelle il faudra éventuellement
apporter des adaptations suite à ce travail.
Cest donc bien la notion même de configuration, leurs pluralités
et l fait que laffaire nest jamais enfermé dans une
arène mais quelle transite, qui est à retenir avant
toutes enquêtes.
Epreuve
de tangibilté
Les
auteurs opposent les notions de « preuve formelle »
et de « preuve tangible ». Cette distinction sera
utile. La question est de savoir quelles formes de preuve amènent
les acteurs, comment les produisent ils, les mettent ils en relation
(ou en série), les unes sont elles moins reçut (et donc
recevable) que les autres, par qui ? Toute une liste de questions.
La notion dépreuve de tangibilité indique la nature
de la preuve quon attend de lassemblage des éléments
élaborer par les acteurs.
Il semble (cest un a priori et on connaît mes précautions
à ces effets.) que certains harcèlements sont difficilement
objectivables, comme certaines alertes, par leur matérialité,
on ne le capture pas par les sens mais plutôt par un ressenti.
Il nexiste pas à ma connaissance de métrologie capable
de mesurer ce phénomène. Il existe peut être des
figures dexperts mais il semblerait que les preuves soient plus
tangible que formelles. Mais je menjoins à la prudence
et ne retient que la distinction entre les preuves et les épreuves
quon leur fait passer.
Points
dinflexions
Cette
notion est présente dans louvrage sans être définit.
Cest ici ce à quoi je mattache.
Caractérisant une affaire par un trajet du dossier qui la fait
émerger sur la place publique, les points dinflexion peuvent
être entendus comme des points ou des moments de ce trajet. A
ces moments, le dossier est mis à lépreuve par certains
acteurs, lissue de cette épreuve pèse sur lorientation
du dossier : son trajet est infléchi.
On peut dire aussi quil sagit dun moment de redéfinition
de laffaire (qui peut être critique), le dossier est mis
à lépreuve, on loriente vers dautres
acteurs (sans toutefois systématiquement labandonner),
vers dautres arènes (dépreuve), on lui donne
une nouvelle portée temporelle.
Mais il faut être attentif que les points dinflexion ne
sont pas tout. Ente ces moments le dossiers est travaillé, on
ajoute des éléments, on en cherche
Dans
lécrit précédent (les questionnements), je
place linflexion dans deux règnes : lespace
(social) et le temps (tout aussi social que lon peut appeler « durée »).
Limage de trajet, conjuguée à celles de mouvement
et de direction, enferment déjà ces dimensions.
Car en effet, il y a peu entre espace et temps, ils sont concomitant
dans le mouvement, ils se confondent presque. Tous deux sont vécus,
cest un expérience ; et tous deux sont construis à
partir de la successivité dune unité de mesure standardisée.
Traverser lespace demande du temps, et lon ne saurait traverser
le temps sans se déplacer [5].
Pour
finir, une simple question que lon est en droit de se poser est
celle de lémergence dun dispositif juridique permettant
de traiter ces affaires et celle (liée) à la reconnaissance
de ce genre dinjustice.
Notes
:
[1]
Ce ma semble, pour toute théorie dexplication du monde,
être une bonne maxime que celle lui enjoignant de sexpliquer
elle même.
[2]
Ce qui ne veut pas dire quil ny en ait dautres (je
pense au terrain et à la méthode) que je confonde ou dont
les parties par où elles se distinguent des autres ne mapparaissent.
Que cette partition soit un choix ou un manque de clairvoyance, de discernement,
ce qui importe cest de questionner la pertinence de cette partition.
Est il utile de distinguer ces aspects, est ce faute et préjudice
de nen pas distinguer dautres ?
[3]
Il y a une réflexion à faire avant de mengager plus
avant dans ce thème, de fouiller ces formes de rapprochements.
[4]
Nous reviendrons là dessus lorsque nous traiterons des points
dinflexion.
[5]
Dernièrement, il y avait une publicité pour une voiture.
Le slogan en était : « X, votre nouvelle
adresse ». On voyait une famille dans leur voiture en train
de rouler. Sur le bord de la route, le facteur attend leur passage,
la voiture sarrête et ils récupèrent le courrier.
Ainsi de même plus loin avec un représentant, et encore
une fois avec quelquun dautre. Un renversement sest
opéré. Les personnes visitant la famille au cours dune
journée, à un certain moment, sont ici étalées
dans lespace. Une équivalence a été faite
entre espace et temps en reversant laction des protagonistes.
La famille est nomade dans sa voiture et non plus sédentaire
dans sa maison ; et inversement le facteur attend et ne vient pas.
Thomas
Pierre